Nous partons en voiture du village vers 9 heures; il fait frais, mais pas vraiment froid.

J'ai eu un peu de mal à me lever ce matin, et vu que je ne suis que passager, je ne me force pas: je reste silencieux, engoncé dans ma veste... Pour une fois que je ne conduis pas, je vais pouvoir profiter du paysage en laissant aller mes pensées. Les trois femmes avec lesquelles je suis monté, elles, discutent, et ça ne me dérange pas, bien au contraire: qu'elles m'oublient...

Nous allons dans un coin que je ne crois pas connaitre.

Il n'y a pas grand monde sur la route ce dimanche matin. Cela fait longtemps que je n'étais pas passé par là et je me rends compte que la route a été refaite d'un beau goudron tout noir, auquel il manque encore le marquage horizontal; je remarque en passant que les conducteurs ont souvent tendance à toujours s'écarter du bord de la route, en pareil cas...bizarre, parce que pour ma part, ça me fait en général, l'effet inverse.

Nous tournons à présent pour remonter la vallée qui va vers notre lieu de départ. L'herbe est encore pleine de rosée: cela ne fait pas longtemps que le soleil réchauffe la terre, à cet endroit.

La route commence à dessiner des lacets et nous nous élevons à présent rapidement au-dessus de la vallée. Les arbres sont encore verts, même si certains commencent à tirer vers l'ocre jaune, voire rouge par endroit...plus loin, des troncs blancs de bouleaux...voilà qui me fait remonter des souvenirs: mais oui, je suis déjà venu ici, à une époque où je recherchais des bouleaux, justement !

La vue sur la vallée est de plus en plus belle et comme à chaque fois, cela me fait le même effet: l'impression de quitter le monde normal pour entrer dans un autre monde, celui des hauteurs, de la paix, de la sérénité...et de la sueur ! Me revient en mémoire ce bouquin de Jean Jacques Rousseau, étudié au lycée, qui parlait de l'influence bienfaisante de la montagne (lire un article à ce sujet), j'ai toujours senti cette influence, pour ma part: là-haut, je ne me sens pas le même, là-haut est mon domaine, mon moi suprême. Je ris intérieurement: voilà que je deviens lyrique, à présent !

Les piquets rouges et blancs du bord de la route, nous rappellent qu'il y a de la neige, ici, l'hiver. La conductrice n'est guère tentée de longer le bord vertigineux de la route: elle reste plutôt au milieu, ce qui fait que je n'ai que peu le loisir de regarder l'abîme. Je me prends à penser qu'il m'a toujours paru étrange d'être plus à l'aise dans une pente pareille, sur de la neige avec des skis aux pieds, que sans neige, à pied: en effet, à ski, les pentes raides ne m'ont jamais effrayé, au contraire, je les ai souvent recherchées, tandis qu'à pied, cela m'évoque un peu trop irrésistiblement la chute mortelle d'une connaissance, à laquelle j'ai malheureusement assisté avec impuissance quand j'avais dix-sept ans. Penser à la neige me redonne encore une fois envie de reprendre le ski...mais je verrais à la saison d'hiver: pour l'instant, je suis pour ainsi dire en convalescence, je manque cruellement d'entrainement, j'ai mal partout et il ne faut pas que j'aille trop vite en besogne. Qu'importe: la patience et la ténacité sont des vertus que j'ai toujours eu tendance à cultiver soigneusement...sans toujours y arriver, certes, mais avec l'âge vient la sagesse, dit-on ?

Mais voici que nous arrivons à la fin du trajet en voiture. Je reconnais cette fois tout à fait l'endroit: je me rappelle même y avoir pris une photo, et avoir retouché ladite photo, pour y supprimer ce parking qui enlaidit quelque peu le coin, même s'il est bien utile.

Comme toujours en pareil cas, je rechigne un peu à me déplier et à sortir du confort d'un siège moelleux et d'un habitacle chaud.
Ah bah, il fait bon: je ne vais même pas garder ma veste pour démarrer la marche ! J'hésite tout de même à me mettre en short...Il est bien loin le temps où je n'emportais pas de vêtements de rechange, parce que officiellement, cela faisait du poids supplémentaire, et surtout parce que je n'osais pas me changer devant tout le monde !

Je sors mon sac du coffre de la voiture...Nom de nom, je n'avais pas fait attention qu'il était si lourd en partant de chez moi ! On nous annonce qu'on peut laisser les sacs, dans les voitures: la balade n'est pas trop longue et nous pique-niquerons ici, au retour. Je n'hésite qu'un bref instant: sans sac, je me sens comme nu, j'ai l'impression qu'il m'équilibre...et puis surtout, j'y ai tout mon équipement: petits et gros casse-dalle, un litre et demi d'eau, change, petite doudoune légère,chapeau, canif, pharmacie, couverture de survie, mini-serviette, un bout de matelas en mousse et même de quoi faire du feu ! Des habitudes prises, il y a longtemps: auprès d'un vieux qui ne doit plus être de ce monde aujourd'hui, mais qui m'a tout appris: on sait quand on part, on ne sait pas quand on revient, et j'ai toujours préféré parer à toute éventualité, ça m'a bien servi par le passé; il est donc certaines choses que j'ai toujours dans le sac, même pour de petites balades. Cette fois-ci, par contre, je n'ai pris ni boussole, ni altimètre, ni carte, ni...ah zut, j'ai oublié mes jumelles ! Bref, aujourd'hui, je me laisse mener, ce n'est pas désagréable. Ceci dit, pour en revenir au sac, il faut aussi que je me ré-entraîne à son port....

Ce sac-ci est monté avec moi au Mont Blanc, de même que ma gourde toute cabossée. Je regrette beaucoup le sac que j'avais acheté plus tard, plus confortable, plus grand, avec lequel je suis parti bien des fois pour des périples d'une semaine avec mon meilleur ami (paix à son âme). Las ! j'ai eu le malheur de prêter ce sac à quelqu'un...qui l'a prêté à son tour à quelqu'un d'autre (vous le croyez, vous ? Mais comment peut-on faire ça avec quelque chose qui ne nous appartient pas ?!!!) qui a nié ensuite l'avoir jamais eu. Bref, je ne l'ai jamais revu ! Du coup, il est rare aujourd'hui que je prête quelque chose à quelqu'un: il faut vraiment que j'aie confiance, ou que je ne tienne pas trop à l'objet.

J'enfile donc les bretelles du sac, et j'en boucle la ceinture. En fait, j'ai l'habitude de changer régulièrement le réglage du sac, sans l'enlever, tantôt en appui sur les reins, tantôt très haut sur les épaules, ça dépend du terrain, et mon sac permet ce genre de chose, j'avais choisis celui-ci en partie pour cela.

Les premiers pas sont plus faciles que je n'aurais cru: en me levant ce matin, j'avais mal partout, et je ne savais pas comment ça allait se passer, mais apparemment ça se présente bien: je suis presque euphorique !

Déjà je sors mon smartphone/appareil photo: je m'en sers plus pour les photos que pour le téléphone ! Les vieux instincts reviennent, je salue le soleil qui commence à monter au dessus des crêtes: hop ! Un p'tit contre-jour comme je les aime. Issarbe1

Le paysage est à présent composé d'herbe rase, de rochers qui affleurent, ça et là d'arbustes et de genêts, et toujours la vallée, dans le fond, avec ses maisons si petites. Je me sens bien.

Nous passons bientôt un genre de col qui nous mène sur l'autre versant, où l'on domine une autre vallée, cette fois-ci perpendiculaire à celle où nous sommes montés. Au loin quelques monts, dont l'un que je soupçonne fortement d'être le point culminant du pays basque... Issarbe2

Celui-là, j'irais le revisiter quand je serais un peu plus en jambes: c'est une marche de 3 heures environ qu'on fait souvent en automne, avant qu'il y ait de la neige

Si vous voulez avoir une idée du paysage depuis ce sommet, c'est ici

La piste herbeuse que nous suivons maintenant longe le versant sud, tout en descendant dans une forêt de hêtres. De loin en loin quelques sapins commencent à nous montrer que nous sommes déjà à une certaine altitude. Nous arrivons à un premier lacet assez large, dépourvu d'arbres, sur lequel le soleil donne bien et cela nous paraît l'endroit idéal pour une petite halte. Boire, grignoter. Nous nous faisons passer nos paquets de biscuits, c'est un moment de partage. Certains ont pensé à emporter un thermos de café et la tasse circule. Je ne suis pas très fan du café le matin, et je préfère laisser ma part à quelqu'un d'autre qui l'appréciera plus que moi. Je suis assis, adossé à mon sac, et je ferme un peu les yeux. mmmh, il fait bon. Les gens se lèvent, car il faut repartir. J'attends un peu, car je commence à avoir chaud et je voudrais enlever mon pantalon pour me mettre en short, sans pour autant faire un striptease devant tout le monde...Quand je repars, je suis seul, les autres sont loin. J'aime bien cet instant de silence. Je marche d'un bon pas. Quand je commence à voir mes amis, une petite envie naturelle me prend et je me mets sur le côté pour la satisfaire.Je relève la tête et waouh ! une superbe lumière sur les feuilles me donne envie de prendre une photo. Superbes couleurs d'automne...

Feuilles_15102017
Les circonstances des belles photos sont souvent étranges et inattendues :-)

La piste cesse de descendre pour aller à présent quasiment à l'horizontale: nous sortons de la forêt pour aller rejoindre un petit col.

col_15102017

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