A midi de gros nuages gris couraient dans le ciel, et la montagne était elle aussi barrée de gris, excepté dans le V qu'est l'entrée de la vallée d'Aspe: au loin, je pouvais voir une crête baignée de soleil et un superbe ciel bleu. Aussitôt mon esprit s'est envolé vers ce pays ensoleillé qu'est la région de Jaca: de mémoire, je refaisais la route, admirant les paysages, et me remémorant certains voyages à certaine époque...
Les mots qui me vinrent furent: "vacances, été, chaleur". Je revis des lacs aux couleurs d'émeraude et de turquoise, je revis une plaine aride semée d'oliviers, et l'air chaud qui tremblait dans le fond, je revis un village aux murs vêtus de blanc, et sa fontaine rafraichissante sur la place qui sentait le crottin et la poussière, je revis mon père le guide vert à la main, nous décrivant les chapiteaux d'une chapelle romane, je ressentis la fraicheur de l'ombre quand nous y entrâmes, le silence, aussi, et les chandelles tremblantes.
Ce lieu de pierre, si accueillant dans la chaleur de l'été espagnol, où l'on n'osait parler qu'à voix basse, et encore: le silence l'habitait mieux.
Je ne pratique plus la religion de mes parents et pourtant à chaque fois je ressens quelque chose en ce genre de lieu.

Mon esprit vagabonde encore: il se promène dans Saragosse où mon père avait déniché un genre de petite mosquée en travaux sur les murs de laquelle on devinait un entrelacs de lignes sculptées: une dentelle de pierre ! Je n'ai jamais retrouvé cet endroit, tout comme je n'ai jamais retrouvé cette église romane troglodyte, dont le guide disait à propos de je ne sais quoi: "je dis bien pré-roman et non pas roman" C'est tout ce que j'en ai retenu, allez savoir pourquoi ? Maintenant que j'y pense, était-ce bien en Espagne ? Le guide parlait français...je ne sais.

Cette fois, je suis dans un village ou le quartier d'une petite ville. Il n'y a pas âme qui vive dans la chaleur de l'après-midi. "Pas fous,dit ma sœur qui râle de devoir marcher: ils sont à la sieste, eux !"
Et puis soudain, un triporteur s'arrête sur la place, et fait carillonner son timbre. Aussitôt, une flopée de gamins sortis d'on ne sait où l'entourent: "nata ! nata !" crient-ils. C'est le marchand de glace !
Mes parents n'y couperont pas pour nous en offrir une...à la nata ! C'est là que j'appris que nata voulait dire crème en espagnol...et que c'était rudement bon !

Et voilà, paf !  Le vagabondage s'arrête !  

Pourquoi ? Je vous le donne en mille: tout simplement parce que les mots glace à la crème me ramènent au présent et à ma légère surcharge pondérale !!!
Bah, de toutes façons c'était l'heure d'aller au boulot...

N'empêche, il est à présent 18 heures et je me demande bien où je pourrais trouver de la glace à la nata, mais chut.... ;-)