Ce matin, le temps est maussade. La montagne se découpe durement sur un ciel blanc lavasse. Bien que quelques traînées bleues parsèment l’horizon, l’impression qui en ressort est sinistre : la montagne a perdu sa neige en grande partie, ne subsistent plus que quelques plaques blanches ici et là, qui font ressortir la noirceur du roc et le marron foncé de l’herbe rase brûlée par l’hiver. L'air est jaunâtre, une sensation de mal à l'aise se répand: le temps va changer, on sent qu’il se prépare quelque chose.

Sur le chemin du boulot, là, en face de moi, le dôme du Trône du roi se rappelle à moi. Ce petit sommet sans prétention se mérite : il n’a pas épargné ma sueur, en son temps.
Comme par enchantement, mon esprit se transporte tout là-haut, sur cette croupe plutôt inhospitalière : comme si j’y étais, je vois les perles marron des moutons jonchant un sol terreux où l’herbe a du mal à pousser. Ce qui m’a frappé la première fois où j’y suis allé, c’est cette absence d’endroit accueillant où s’asseoir, casser la croûte, voire s’allonger, passer un moment, les yeux dans le ciel, au-dessus du monde. J’imagine le sommet désert, balayé par un vent tiède et humide, annonciateur de mauvais temps.

Je suis là-haut, sans y être, n’est-ce pas étrange ? Me vient alors la réflexion que ce sommet continue d’être, là-haut, isolé et solitaire, contemplant éternellement la plaine, alors même que je n’y suis plus. Combien d’endroits me rappelai-je ainsi, où je suis passé et qui ne changeront jamais alors que moi, si ?