C'est une ruelle étroite aux murs griffés, on le devine, par des véhicules trop larges ou maladroits. Il est vrai qu’on ne s'y engage pas en voiture, sans un sourcil levé, ni un œil attentif: ça passe ? Ça ne passe pas ? Ça passe…Ouf, c’est passé !
A pied, l'impression n'est pas la même: en plein cœur de la ville, c’est comme un autre monde que l’on découvre !
Déjà, sous le petit panneau métallique bleu marine, indiquant, en lettres blanches, le nom de la rue, on a laissé apparaître une pierre d’angle, avec l’ancien nom gravé: rue Bouchon. Je me demande un instant pourquoi ce changement de nom, puis, poursuivant mon chemin, je découvre des trottoirs aux pavés de pierre grise, polis par le temps et disjoints, qui sont si étroits qu'on se demande pourquoi quelqu'un s'est donné la peine de les faire, puisque un piéton, même mince, n'y tient pas !
Soudain, ce qui me frappe, ici, c'est le calme: une sensation de temps arrêté, d’endroit isolé du monde...J’ai déjà ressenti cela en d’autres lieux: vieux villages, châteaux en ruine, chapelles romanes, les souvenirs se pressent, je me laisse emporter...
Trêve ! Je reviens dans la rue.
A droite, une grille en fer forgé, agrémentée de canisses de couleur rouille, laisse deviner une petite cour, au sol de gravier. Une table, quelques chaises: il doit faire bon, là, l’été, à siroter un thé glacé ou à lire un bon bouquin, protégé par l'ombre des murs.
De l’autre côté, je me retrouve en face du mur jaune grès d’une maison à deux étages, où il faut se pencher en arrière pour distinguer le toit, vu le peu de recul dont on dispose. Ce mur est percé de quelques lucarnes aux vitres poussiéreuses, protégées par des grilles rouillées, et d'une fenêtre récente où, l’autre jour, un petit enfant m’a fait coucou à travers la vitre avec un grand sourire. La rue s'élargit ensuite à droite sur un minuscule parking bordé d’une petite pelouse surplombant le gave. En face, sur la colline, on distingue le clocher de Sainte Croix: vieilles pierres chargées d'histoire, dont je parlerais peut-être un jour.
Poussant plus loin dans la rue, je dépasse une haie de lauriers aux feuilles vernissées vert sombre , puis je longe, à droite, un petit mur de galets de l'autre côté duquel émerge une végétation qu’on devine sauvage, et à gauche, une haute muraille dont le revêtement en crépi gris, éclaté par endroit, révèle quelques trous secrets entre les pierres disjointes; de loin en loin de petites fougères ont poussé dans les fissures, apportant quelques touches de couleur, de même que le haut des ramures d’un vieil arbre dépassant du faîte. La muraille se termine par un large et haut portail de bois, encadré de pierres de taille, portail dont la peinture fanée bleu pâle, s'écaille par endroits, laissant voir un bois grisé. De l'herbe pousse entre les pavés au sol: on devine que cette entrée ne sert pas souvent, malgré un panneau « interdiction de stationner, sortie de voitures » flambant neuf.
Au-delà, c'est fini, le charme est rompu, les façades sont modernes, régulières et entretenues. Il est temps de rebrousser chemin et retrouver, un bref instant, ce passage si reposant, avant de replonger dans la vie.