Le jour de mon anniversaire, j'ai décidé de m'offrir deux choses: D'abord, une grasse matinée, parce que, moi qui ait pourtant au sein de ma famille une réputation de dormeur invétéré, ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé...et puis disons ce qui est, je sais que je vais être seul aujourd'hui, et dormir, ça meuble ! Donc une grasse mat', et puis une petite balade en solitaire.
Au départ, ça ne m'aurait pas déplu d'être accompagné, mais personne ne s'est proposé...faut dire que je ne l'ai pas crié sur les toits. Seul petit problème, j'ai une réunion boulot à 14 heures et donc je ne serais pas libre avant 15 h. Tant pis !
Je vais à ladite réunion en tenue de rando: il y a bien longtemps que je ne m'embarrasse plus de détails de ce genre: je suis comme je suis ! Et mon sac est tout prêt dans ma voiture. Réunion: boudiou qu'est-ce qu'on peut perdre comme temps en parlotte ! J'ai horreur de ça: moi ce que j'aime, c'est l'efficacité et le gain de temps. Enfin, c'est comme ça. Quand je sors, il est 16 h ! J'hésite un court instant: la balade que j'ai prévue dure 1h30, 2h, il me faut environ 20 minutes pour arriver à pied d'œuvre, et le soleil se couche vers 17h30, donc, il y a des chances que je finisse à la nuit...J'hésite en pensée, mais je suis déjà parti !
Une fois sur place, je me chausse, tout en me demandant encore si c'est bien raisonnable:
La nuit ne me fait pas peur: j'ai déjà quelques aventures nocturnes à mon palmarès, la pire étant la fois ou avec deux amis, on s'étaient fait choper par une avalanche un hiver, près du Carlit et après moultes aventures, on étaient arrivés à la voiture à 23 h avec une belle pleine lune ! Tiens, je raconterais ça, un de ces quatre...
Mais bon: là, la vallée n'est pas loin, l'altitude n'est que d'environ 500 m, la balade pas trop longue, les risques sont limités et qui plus est, si jamais, j'ai, de toutes façons, toujours tout ce qu'il faut dans mon sac pour pallier à une nuit dehors, quelle que soit la sortie: t-shirts manches longues en rab, veste polaire, petite doudoune, bonnet, couverture de survie, sac de couchage de survie, lampe, de quoi faire du feu, de l'eau, de quoi manger, canif, et même un sifflet pour appeler au secours ! A une époque, j'avais même une petite corde, mais l'ayant utilisée à autre chose, et abîmée, je l'ai enlevée. Je n'aime pas être pris au dépourvu, on ne sait jamais.
Je pars d'un bon pas. C'est lundi, et hier je me suis tapé deux balades: une le matin sur route, d'environ 11km, soit 3 heures de marche sans se presser et une autre l'après midi en montagne de 2 heures. Cependant, je ne ressens pas de fatigue, le lendemain, au contraire, je me sens dans une forme éblouissante...Sauf que le dimanche matin, j'ai chopé une grosse ampoule au talon et que la balade de l'après midi n'a pas arrangé les choses. Je ne suis pas maso, mais je sais que j'ai une bonne résistance à la douleur des ampoules vu que j'en ai souvent eu par le passé, et puis maintenant, je sais bien les soigner: je sais que si ça fait mal au début, au bout d'un moment même si la sensation y est toujours, la douleur diminue, comme si le cerveau libérait ce qu'il fallait pour cela. De toutes façons, dame nature ne m'a jamais gâté de ce côté-là: comme si ça ne suffisait pas, ces dernières années se sont rajouté d'autres trucs, mais bon je ne vais pas me plaindre, ce n'est pas ma nature: c'est ainsi, et je fais avec.
En sortant du bois, la piste contourne le soum de Souek en une longue courbe montante assez raide, qui part vers le nord et j'essaie de ne pas trop ralentir mon pas: je n'oublie pas que si je me balade pour le plaisir, j'ai aussi pour objectif de retrouver un certain niveau physique qui doit me permettre de retourner faire du ski alpin sans m'esquinter quelque chose et l'été prochain de refaire de grandes rando en montagne: je ne sais pas si je tiendrai mon objectif qui est de refaire le Vignemale d'ici mes 60 ans, mais je fais tout pour. Pourtant, je prends quand même mon temps en ce sens que je m'arrête fréquemment pour faire des photos: voir l'album de cette balade ici
J'adore ce coin: le Barétous ! Même ce nom a une sonorité qui m'enchante...
Entraînement d'accord, mais faire de jolies photos est aussi mon dada. Et puis tout de même faut pas non plus que je force trop...à mon âge !!! Nan, je rigole.
Je vois à présent la plaine au loin...et ben je suis bien mieux ici !
Tout en marchant, le premier couplet d'un chant que j'apprends en ce moment avec ma chorale me monte aux lèvres:

Adiskide bat bazen, orotan bihotz behera (Il y avait un ami, un être profond et sensible)
Poesiaren hegoek (transfiguré par les ailes de la poésie,)
Sentimentuzko bertsoek antzaldatzen zutena.(par les vers surgis d’un profond sentiment intérieur.)

Les sonorités de ce beau chant me donnent des frissons: Xalbadorren heriotzean, et je peux chanter ici à pleine voix sans problème !
Ayant complètement contourné le soum (peut-être vous demandez vous ce qu'est un soum ? C'est: sommet, en occitan, et en béarnais aussi) Je me dis que je le grimperais bien, même s'il n'y a pas de sentier: de l'autre côté c'était le coin des fougères, mais là, c'est plus facile, car c'est une herbe rase et encore verte qui pousse. Je me fais la réflexion que ce pâturage a sûrement dû être obtenu un jour par écobuage, vous savez quand on fait cramer les fougères ?
Hop je me hisse au-dessus de la piste en me cramponnant aux herbes. Je pars en travers vers le sud: la pente est tout de même un peu raide pour la prendre de face, et puis je suis pas au bagne, hein ? De toutes façons je veux aller par là-bas pour mieux voir la chaîne des Pyrénées, et ces troupeaux qui paissent, de l'autre côté de cette clôture.
Vache et moutons. Ces derniers s'enfuient à mon approche, et seule une vache - Bonjour Madame ! - se tourne curieusement vers moi. Je sors mon smartphone: Clic ! In the boîte !

Vache

J'essaie d'aller tout en haut pour avoir une vue sur la vallée, mais il y a des barbelés partout et j'hésite à la franchir: d'une part, je me méfie un peu des vaches, dont je trouve les sabots un peu gros et les cornes un peu pointues (rire) mais surtout je me méfies des éventuels patous qui gardent parfois les troupeaux: entre les chiens et moi, ça n'a jamais été une folle histoire d'amour, et donc, je fais demi-tour. Je reviens au chemin que j'avais quitté. D'après la carte, je dois continuer encore un peu avant de trouver un embranchement qui me ramène à mon point de départ à travers une forêt. Je marche donc. Le soleil descend de plus en plus, il arrive en rasant le sous-bois à droite du chemin. J'aime bien les sous-bois et celui-ci est particulièrement beau: le sol est jonché de feuilles mortes mais demeure très accessible, les troncs sont assez espacés, Il y a là un mélange de lumière et d'ombre qui ajoute au mystère du lieu. Je m'attendrais presque à y voir des ombres énigmatiques !

sousbois

Je rejoins une piste exactement à l'endroit prévu par la carte. Je remonte le long d'une croupe herbeuse en suivant une large piste qui semble récente. Le soleil baisse encore, et je me dis, encore une fois, que je vais sans doute rentrer à la nuit...Bah ! Que m'importe ? Personne ne m'attend.
Redescendant de l'autre côté de la croupe, j'aperçois de loin une silhouette venant vers moi, Tiens ? Un autre candidat aux promenades tardives ? C'est une femme, un peu plus âgée que moi. Nous nous arrêtons pour nous saluer: j'apprécie beaucoup ce genre de rencontres qui sont en général assez chaleureuses. Si on ne se connait pas, on se sait par contre avoir le même goût pour ces paysages, ainsi que pour les promenades solitaires, cela créé tout de suite un lien particulier. Nous échangeons sur les endroits d'où nous venons et le chemin qu'il nous reste à faire. Je ne comprends pas bien d'où elle vient, ni où elle va: elle indique un probable chemin qu'elle aurait raté, et qui se situe bien loin dans la vallée. Je lui montre ma carte, mais elle ne semble pas très sûre de l'endroit où nous sommes, ça me rassure: il n'y a pas qu'à moi que cela arrive ! Après un bref salut, nous repartons chacun de notre côté. Le soleil continue à baisser, je prends quelques photos:

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la montagne au loin commence à devenir "froide", j'entends par là que tout sombre dans les bleus, couleur froide par excellence, surtout le bleu nuit, et rien que de voir cela, je sens l'humidité qui monte. C'est l'heure où les lumières s'allument un peu partout, et où l'on sent que la montagne peut devenir quelque peu inhospitalière. Je ne déteste pas être dehors à ce moment-là. Le sentiment que j'éprouve est très étrange: d'un côté je songe que je suis un minuscule point dans cette immensité bleutée, et de l'autre j'ai pourtant une bonne conscience de mon existence, à mes alentours immédiats: je fais partie d'un tout, mais je suis moi tout de même, et j'en ressens l'importance. Oui: très ambigu ce sentiment...
Je commence à me poser quelques questions sur mon cheminement: cela fait belle lurette que j'aurais dû tomber sur l'embranchement dont parle le guide, or là je descends, je descends, mais rien ! Je pense que j'ai dû rater quelque chose, mais où ? Je réfléchis en étudiant la carte: le retour devait s'effectuer en forêt, or il va faire bientôt nuit, non que dis-je ? ça commence déjà ! Nous sommes entre chien et loup. Ne devrais-je pas faire demi-tour tant que j'y vois encore bien ? ça fait longtemps que cela ne m'est pas arrivé, mais je n'ai pas de fierté particulière qui me retienne de le faire: je ne déteste pas marcher de nuit, mais il commence à faire bien froid et bien que j'ai tout ce qu'il faut dans mon sac pour pallier à cela, je ne me vois pas non plus marcher des heures sans savoir au juste si je suis sur la bonne route. Donc, c'est décidé: demi-tour !
La pente, si agréable à descendre, l'est beaucoup moins à remonter ! Boudiou, je m'essouffle ! C'est ce moment-là que choisit mon frangin pour m'appeler afin de me souhaiter un bon anniversaire: je sursaute en entendant la sonnerie, qui me parait fort incongrue en ces lieux. Mais ça me fait bien plaisir. Il s'étonne de me savoir encore dehors à cette heure-là, s'inquiète un peu, mais il me connait bien et sait que même si je suis, comme il dit, "folklo", je ne fais pas n'importe quoi quand même: je tiens à ma peau et j'ai un peu d'expérience. J'en profite pour souffler un peu...

Cette fois, j'y suis: ça y est, le soleil disparaît !

soleilcouchant_20112017

Des lueurs roses effleurent encore le haut des sommets enneigés, tandis que tout le reste se fond petit à petit dans les mauves...

soirmontagne_20112017

Tout autour de moi, tout devient noir, mais j'y vois suffisamment pour ne pas avoir besoin d'allumer ma frontale, aussi, je la laisse dans mon sac. De nouveau, le même genre de sentiment que tout à l'heure: les alentours tout noirs, et la montagne au fond encore un peu lumineuse: deux états différents pour un même endroit sur terre...
Mes yeux s'habituent à l'obscurité et je reconnais des endroits où je suis passé à l'aller...vu qu'à présent le chemin redescend tout le temps, je marche plus vite, et d'un pas plus léger.
Avant de replonger dans la forêt qui va m'amener jusqu'au parking, une dernière photo du village au-dessous dont les lumières s'allument:
lumieresvillage_20112017