Dimanche 14 janvier 2018 - Après au moins 5 ans d'inactivité de ce côté-là - 5 ans ou peut être même plus ? je ne sais plus exactement... - j'ai décidé de me remettre au ski alpin ! Ces derniers mois, j'ai mis le paquet pour m'entraîner: sortie pédestre au moins une fois par semaine, en montagne si possible, footing, natation, je ne me suis pas laissé aller ! Ce premier dimanche, j'étais fermement décidé à monter quel que soit le temps, et par chance, j'avais trouvé des gens pour m'accompagner: je n'ai jamais détesté partir tout seul au ski, mais pour ma première sortie depuis longtemps, je sentais qu'il valait mieux être accompagné. Dont acte.
La montagne est couverte, on ne la voit pas bien derrière sa barrière de brouillard.
Nous montons et après avoir dépassé La Mouline, très vite nous rencontrons la neige sur la route, or J'espère bien ne pas avoir à mettre les chaînes, d'abord parce qu'avec un temps pareil, ce n'est pas spécialement agréable, et ensuite, parce que la dernière fois que je les ai mises...et ben je ne me rappelle pas quand c'était, tellement c'est loin: j'ai toujours essayé d'éviter de mettre ces fichues chaînes. Le problème est surtout que je les ai mises tellement souvent que je ne me souviens pas non plus comment on les met ! Je me rappelle maintenant qu'hier, je m'étais dit qu'il faudrait que je m'exerce à les mettre, dans mon garage et je ne l'ai pas fait. Je m'étais dit aussi qu'il fallait que je nettoie un peu mes skis dont les carres ont quelque peu rouillé depuis le temps et je ne l'ai pas fait non plus. Pfff ! Je deviens négligent et flemmard.
Sur la route, quand ça commence à patiner un peu, je n'insiste pas: j'ai un peu perdu l'habitude de conduire sur la neige, et je n'ai pas envie de risquer quoi que ce soit. Bon bien sûr, contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, les chaînes, ça ne protège pas de tout: comme disait mon moniteur d'auto-école, il faut conduire comme si on avait un œuf dans chaque main et un sous chaque pied; les chaînes, ça évite juste de patiner un peu trop.
Je me gare, on sort, le copain se met d'un côté et moi de l'autre et nous bataillons pendant un bon moment: saloperies de *§#!! En plus, ça pèle, on a les doigts gourds, la neige mouille, ça glisse...Enfin, après environ vingt minutes de jurons divers, on y est arrivé, ouf !
Et c'est reparti ! Pépère. Je rehausse mon siège et redresse le dossier: ce n'est pas que je sois crispé, mais bon, pas complètement détendu tout de même. Ça roule bien, et je me laisse aller à regarder un peu le paysage: au vu de toute cette neige dont les cristaux brillent par moment, de ces arbres aux branches alourdies de masses cotonneuses, de ces rochers avec leurs chapeaux blancs, des tas de ressentis me reviennent du temps d'avant...Mais comment ai-je pu me passer de cela pendant toutes ces années ?!! J'aime ces paysages immaculés, ces reliefs adoucis par la couche neigeuse, j'adore ce froid vif, et ce silence étouffé: c'est toute une ambiance que je retrouve !
Nous arrivons enfin à la station, il neige. Je me gare facilement: vu le temps très couvert, il n'y a pas foule. Nous nous équipons... J'ai un mal fou à rentrer dans mes chaussures ! Je suis un peu anxieux, car la semelle extérieure de l'une d'elle a perdu une petite talonnette, qui s'est désagrégée et je l'ai reconstituée au pistolet à colle chaude après y avoir enfoncé deux vis. Est-ce que ça va tenir ? Nous montons. Je suis un peu perdu: il y a tellement longtemps que je ne suis pas venu dans cette station (9 ans ?) que je ne reconnais pas tellement l'endroit. Il est vrai que ça a un peu changé: plein d'escaliers et de portes coulissantes pas du tout pratiques à ouvrir: encore un architecte qui s'est torturé le cerveau pour trouver un truc original, sans penser aux utilisateurs, qui, avec de grosses chaussures, ont des difficultés à marcher et donc à descendre ou monter les escaliers, et qui, encombrés par leur skis, ont beaucoup de mal à ouvrir les portes coulissantes qui sont très dures à coulisser ! Le monde ne s'améliore décidément pas. Passons.
Quasiment pas de queue pour prendre les forfaits: nickel ! Ça aussi, ça a changé: j'en était resté à la carte accrochée à un élastique qu'on devait passer dans une fente, or maintenant plus besoin de la sortir, car c'est un truc du style électro-magnétique: on la laisse dans la poche gauche et ça ouvre tout, ça c'est pas mal comme innovation, sans compter qu'on peut recharger la carte sur internet avant de partir pour éviter la queue, voire même avoir une carte qui se débite toute seule quand on passe à une remontée. J'opte pour cette dernière, comme ça en plus, ça va me motiver à l'utiliser, pour rentabiliser, si besoin est: je me méfie de moi et je me sers de tous les types de motivation possibles pour tenir mon cap.
Nous chaussons nos skis et nous démarrons, enfin ! Nous prenons le télésiège. Mes amis ont des casques, Moi pas: moi qui ai toujours trop chaud, je ne me vois pas avec ce machin sur la tronche, Pourtant j'aurais quelques raisons d'en mettre: il y a bien 25 ans de ça, je me suis ouvert la tête après un vol plané, qui finit contre un piquet: 4 points de suture ! Je pense être moins casse-cou aujourd'hui...Il fait froid, mais sans plus, je trouve. Bien sûr, mes amis sont frigorifiés alors qu'ils ont 3 ou 4 couches de pulls sous l'anorak alors que je n'ai dessous, pour ma part, qu'un t-shirt à manches longues. Je sais: je suis space, on me l'a déjà dit.
J'ai hâte de voir ce que ça va donner sur la piste. Nous nous élançons...ça ne glisse pas trop pour moi, et les premiers virages sont difficiles. Purée, j'ai perdu tant que cela ?!! De plus je commence déjà à avoir mal sous un pied, comme la dernière fois: à cause de mes pieds un peu plats, m'a-t-on dit un jour.
Nous reprenons un autre télésiège pour aller sur des pistes plus intéressantes. Puis nous prenons une piste de liaison pas très pentue et ça ne glisse vraiment pas terrible pour moi: les copains sont loin devant ! J'appuie sur les bâtons, je fais le pas de patineur, bref, j'arrive à l'autre télésiège en nage ! Ouf !
Une fois sur le télésiège, je ferme les écoutilles: je ne veux pas laisser ma chaleur se disperser: c'est un coup à choper la crève. je mets quand même le bonnet et le capuchon par dessus. J'ai acheté cet anorak il y a 25 ans, en y mettant le prix: J'avais les moyens à l'époque. J'en suis bien content, car je peux braver tous les temps, avec. Il y a même une jupette amovible à la taille, qui permet de skier, voire tomber, en poudreuse, tout en restant étanche !
Un petit vent s'est levé et la neige nous fouette le visage. Je n'ai jamais détesté cette sensation, même si elle n'est pas super agréable: je dois être un peu maso, quelque part, mais bon, ça me donne l'impression d'être vivant. Le seul ennui, est que je n'ai pas retrouvé mon masque de ski, et je n'ai donc que mes lunettes de soleil à ma vue, polarisantes, à renforcement de contraste, mais avec les flocons, la buée et tout le toutim, je deviens très vite quasi aveugle. Heureusement que j'ai une longue carrière de skieur de brouillard derrière moi: adolescent, j'avais lu un bouquin sur un champion de ski dont l'entraîneur l'emmenait sur les pistes dans le brouillard afin de lui apprendre à sentir le relief avec les jambes, ça m'avait marqué et je n'avais eu de cesse de m'entrainer à cela: un léger fléchissement en poussant les tibias sur les languettes des chaussures, pour parer à toute éventualité et les jambes, jouant leur rôle d'amortisseurs naturels, encaissent facilement tous les reliefs.

Tout en haut, c'est carrément le blizzard. Comme disait feu mon père, parlant d'une rando dans le jura: "on n'y voyait plus rien, c'était pas beau à voir !" Mais, il y a de la poudreuse ! mmmh ! Ma neige de prédilection ! Je m'élance...premier virage, et j'ai l'impression d'avoir raclé un mur, tellement ça m'a donné un coup de frein ! Deuxième...pareil ! Et en plus je dois faire d'énormes efforts pour tourner. Je m'arrête, tâte la neige du bout des skis...mais pourtant c'est bien de la belle et bonne poudreuse et sur une bonne base ? Qu'est-ce qui se passe ? Je continue. J'ai les cuisses qui commencent à me faire très mal, à la limite de la crampe. Il poind en moi l'idée que ça y est, je suis trop vieux pour ce genre de connerie: ceci sera mon dernier jour de ski, je ne tiens plus la distance.
Nous nous engageons dans une longue traversée pour rejoindre la station, car il est midi passé et nous avons faim. J'y vois vraiment que dalle ! A un moment, si: je vois un piquet et je m'imagine, Dieu sait pourquoi, que la piste oblique à droite, je m'y engage donc... ouuuupss ! je sens une forte rupture de pente, mes jambes se détendent, je me réceptionne en souplesse, mais j'ai perdu le sens de l'orientation, si bien que je me sens remonter...et ce qui devait arriver arrive: je m'arrête, puis redescend légèrement en marche arrière, et la neige fraîche abondante me freinant, je me retrouve assis dans une baignoire de poudreuse. Je réalise alors que j'ai fait une magnifique sortie de piste et que je suis à présent deux mètres plus bas, dans une pente ! Gros boulot pour me remettre debout: d'instinct, je fais ce qu'on m'a appris il y a bien longtemps: j'enlève mes bâtons, puis , les posant horizontalement sur la neige, je m'en sers comme point d'appui, pour m'aider à me relever. Je ne sais pas au juste comment je fais, mais j'y arrive. Rien que ça m'a épuisé ! J'arrive à faire une conversion, pour me retourner, et je commence alors une longue remontée en biais, épuisante: le problème de la poudreuse, c'est que dans une pente, quand vous prenez appui dessus, tout descend ! On fait donc du surplace tant que la neige n'est pas un peu tassée, et à chaque fois, il faut sortir les skis de sous la neige où ils se sont enfoncés. Vingt minutes pour avancer de 5 mètres !!! J'aurais bien mérité mon casse-croûte ! Enfin je retrouve la piste. Le temps c'est un peu arrangé et je peux voir que j'ai eu du bol: un peu plus loin il y avait un peu plus de pente encore, avec des rochers...gulp !
Nous retrouvons la station: je suis claqué ! J'enlève mes skis, et je tape des pieds pour enlever la neige. C'est à ce moment que je remarque sur le carrelage des bouts de matière plastique rouges et noirs. Étrange. Pris d'un doute je regarde mes godasses de ski: oups ! le talon de l'une d'elle a littéralement éclaté ! Elle est foutue ! Nous allons à la salle hors sac, et j'en profite pour examiner mes skis: de la glace s'est collée sous la semelle et tout le long des carres. Nom de nom, je comprends tout ! Voilà pourquoi je n'avançais pas et que ça me freinait dans les virages ! Mon moral remonte d'un seul coup: ça ne venait pas de moi ! En mâchant ma salade de pâtes, je fais des plans: après manger, je vais aller louer des chaussures, puisque les miennes sont flinguées, et puis je vais louer aussi des skis pendant qu'ils me révisent les miens: dérouillage des carres, ponçage de la semelle et fartage, ça devrait changer beaucoup de choses...j'espère !

Après manger, je vais donc chez un loueur. Pour les chaussures, il me demande si je suis bon skieur. Je lui réponds que oui, mais que je ne fais pas de compétition et que par conséquent, je ne veux pas des carcans rigides ! Pour les skis, je m'en fiche, sachant bien que ce n'est pas le ski qui fait le skieur, mais pour les chaussures, j'aime bien avoir une certaine souplesse et de la marge pour pouvoir plier les genoux. Je ne serre jamais mes chaussures à fond...du moins pas en début de journée: ça c'était bon à l'époque où je faisais de la compétition, et encore, dès que j'avais fini, je desserrais tout ! Les chaussures qu'il me propose sont incroyablement confortables ! Une idée s'insinue en moi: et si mon mal aux pieds précédent venait de ce que mes anciennes chaussures s'étaient déformées avec le temps ? Il y a de fortes chances que ce soit le cas. Finalement, cet incident m'aura été tout à fait bénéfique.
Nous repartons. Ça me fait bizarre ces skis courts (il n'avait pas plus long que 1m70 alors que les miens font 2m10) et ces spatules larges, mais ça a l'air de bien glisser. Quand nous arrivons en haut, et que nous démarrons, je revis: je tourne avec une facilité que je croyais ne jamais retrouver et ça glisse si bien que mes amis sont à présent derrière moi. Je profite d'un coin de neige fraîche pour tester: waouh ! Je retrouve cette sensation d'aller tout droit tandis que mes skis se balancent de droite à gauche: la godille en poudreuse ! Le rêve ! Seule chose: quand je reviens sur la piste et que je me tape un schuss, ces skis ce sont pas stables, ils flottent un peu. La longueur trop faible, sans doute. Toujours est-il que maintenant, je profite pleinement de la journée: le mal aux cuisses s'estompe, même s'il en reste un petit quelque chose: je ne suis plus obligé de forcer comme ce matin. Voilà qui m'ouvre de bonnes perspectives: pas si foutu le bonhomme ! Là je suis plus détendu, et j'apprécie les descentes. Il me revient même l'envie de donner des conseils à mes amis; que voulez-vous, j'aime transmettre aux gens ce que je sais, or le ski est un domaine que je maîtrise assez bien: dans ma vie de skieur, je ne me suis pas contenté d'apprendre la technique, de la perfectionner et de chercher en plus la beauté du geste, j'ai toujours cherché aussi à comprendre ce que je faisais et pourquoi ça fonctionnait. Ça aide.
Le temps ne s'arrange pas, et nous sommes fatigués, ce qui fait que nous écourtons et décidons de rentrer.
Le retour se fera sans histoire, si ce n'est que lorsque, à plusieurs moments, l'arrière de ma voiture voulut passer devant, j'ai retrouvé de vieux réflexes: léger coup de volant et accélération pour la remettre dans le droit chemin. Et oui, là aussi, ça revient, et je me rassure sur mes capacités actuelles. Je voulais savoir si éventuellement je pouvais repartir tout seul, si je ne trouvais personne avec qui monter: et ben, je peux. Il n'y a que la question entraînement physique que je dois continuer...

Je ne sais pas, par contre, si j'en viendrais à mériter à nouveau ce surnom de skieur fou que les copains m'avait donné autrefois: l'âge nous assagit. ;-)