Dans mon village, la répétition du choeur commence toujours debout, les pieds bien posés par terre. Vous me direz qu'étant debout, il est difficile d'être autrement ? Certes, cependant la précision est importante, car l'on n'a pas toujours conscience de ce que l'on fait. On se pose, donc, en fermant les yeux...on respire doucement, en pleine conscience, et on s'écoute: plus rien n'existe autour, les soucis de la vie sont mis de côté. C'est ma foi, une sensation assez plaisante, la base de la méditation. Je dois dire qu'il m'arrive souvent de pratiquer ce genre de chose, cela m'aide beaucoup.
Après cette relaxation, nous sommes prêts pour émettre un premier son: gonfler le ventre en inspirant, afin de faire descendre le diaphragme et gonfler ses poumons, le tout sans lever les épaules. Bouche fermée, tout élargir dans sa bouche, ouvrir sa gorge, puis prendre appui sur ses abdos pour refouler l'air des poumons en faisant vibrer les cordes vocales, c'est à dire émettre un son !
Concentré sur ses sensations, en produisant ce son, on sent toute sa tête qui vibre: les différentes cavités et os du crâne servent de résonateurs qui transmettent le son.
Le chef nous reprend souvent car il ne doit pas y avoir d'à-coup au début: le son doit arriver tout seul, sans forcer, et avoir une certaine profondeur...
Viennent ensuite les vocalises: un ensemble de notes, une petite mélodie que le chef nous chante une fois avant de nous laisser la main. Il nous donne le ton au piano: de plus en plus haut...ou de plus en plus bas. La première fois que l'on fait cela, on ne va pas très loin, puis au fil du temps on apprend à maîtriser sa voix et on progresse: je sens bien pour ma part que je peux descendre plus bas ou monter plus haut qu'avant.
Parfois le chef insiste sur certains détails, d'importance: la position du corps, par exemple: si l'on est assis, on ne peut chanter correctement qu'en se tenant droit sans s'appuyer au dossier, sinon on perd très vite en ambitus. C'est à dire qu'on ne peut monter très haut, ni descendre très bas. D'autre part, on ne peut non plus prendre les appuis qu'il faut et on se retrouve à faire ce qu'on appelle des "glissandos" voire des "dégueulandos" du plus mauvais effet et typiques des chanteurs débutants. Malheureusement, et c'est bien dommage, certains gardent ces défauts même au bout de plusieurs années, il suffit pourtant d'une certaine discipline.
Ah ! En parlant de discipline: le chef a horreur des bavardages entre les morceaux, on peut le comprendre, mais ce qu'il ne dit pas c'est qu'en chant, il est important d'être bien concentré: sans concentration, on s'égare vite: on ne trouve plus la note, par exemple...bref c'est important. Là aussi c'est une certaine discipline. Maintenant, je vais vous dire: je ne suis pas le dernier à bavarder... mais enfin pas tout le temps et j'ai déjà pu apprécier les bienfaits de la concentration, même si en choeur cela a moins d'impact qu'en solo.

Après plusieurs exercices, nous prenons nos partitions. Sur ces partitions, des lignes et des notes, posées dessus, nous indiquent la mélodie: à chaque hauteur de note correspond un son, plus ou moins aigu et à chaque valeur de note, une durée. Certains d'entre nous savent lire la musique, c'est à dire donner le nom de chaque note: do ré mi fa sol la si do, mais si, avec un instrument, à chaque note correspond une touche, une corde ou une position de doigt, avec notre voix, il n'y a aucun repère ! Aussi, à moins d'avoir ce qu'on appelle l'oreille absolue, c'est à dire de pouvoir associer immédiatement un son à une note, savoir lire la musique ne sert pas à grand chose en chant. Par contre la partition indique si l'on doit monter ou descendre et de combien.

Quand j'ai commencé à chanter en me servant d'une partition, il y a une dizaine d'années, j'avais la chance d'avoir une oreille déjà un peu éduquée: mes parents écoutaient beaucoup de musique et mon frère et ma sœur jouaient d'un instrument. Pour ma part, après avoir redoublé 2 fois ma première année de solfège, mes parents décidèrent que cela suffisait...à mon grand soulagement: déjà que je n'aimais guère l'école, devoir en plus aller à celle de musique, après 17 heures, ne m'enchantait pas spécialement...J'en restai donc là. Je savais les bases: la valeur des notes, c'est à dire leur durée, et le nom de certaines, ainsi que la signification des dièses et bémols, plus deux ou trois autres bricoles. Ainsi donc aujourd'hui, avec un peu d'habitude, si l'on me donne la première note, je peux arriver à trouver les suivantes avec plus ou moins de succès (je parle en son, bien sûr: pas en nom). Mais c'est surtout la mémoire auditive qui sert et c'est à la portée de tout le monde: à force d'entendre des chansons à la radio ou la télé,n'arrivez-vous pas vous-mêmes à les retenir ? En chœur sous la houlette d'un chef, c'est pareil: à force de répéter, on retient. La seule différence est qu'avec un chef, les notes sont toujours justes, et les durées de notes aussi, sans parler du tempo et des nuances.
Personnellement, j'adore chanter ! D'abord, le ressenti des vibrations est souvent jouissif: en tant que baryton, pour ma part ce sont plutôt les notes basses qui me procurent cela, ensuite quand je chante, je ne pense pas: je vis la musique, et plus rien n'existe mais le summum est quand même de pouvoir chanter une mélodie de manière juste, avec toutes les nuances demandées, de pouvoir entendre les harmonies avec les autres voix: chanter soi-même est déjà quelque chose de très agréable, mais chanter en chœur avec tout un groupe donne une sensation de puissance, de solidarité et d'unité, une sensation d'appartenir complètement au groupe, le cœur se gonfle et tout vibre...Je ne trouve pas les mots justes: tout cela n'est pas facile à décrire: il faut le vivre.
Pour ma part, j'ai eu l'occasion de chanter en solo en concert: un petit challenge personnel comme j'aime m'imposer parfois...ce n'était pas désagréable et je suis content d'avoir pu le faire, d'avoir osé le faire, mais les sensations ne sont pas les mêmes du tout en solo et en chœur: la vibration oui, elle y est aussi, mais pas le reste.
Je n'ai pas le culte de la vedette, je prends rarement la grosse tête et même si je suis fier d'être arrivé au modeste niveau qui est le mien, d'une part, je n'ai de cesse de pouvoir apprendre et progresser encore, d'autre part s'il me fallait choisir entre le chant choral ou solo, ce serait toujours le premier que je prendrais: chanter de tout mon cœur avec mes amis choristes, je ne connais rien de mieux ! Parce que chanter ce n'est pas qu'avec la voix: c'est aussi avec le cœur...et les tripes. Et alors: quel trip ! ;-)