C'est un fait indéniable, je suis parfois sujet au spleen, cette profonde mélancolie qui m'empêche d'apprécier pleinement les bonnes choses de la vie, et a tendance à me dégoûter de tout; Je le sais et j'essaie de combattre, mais je me laisse parfois submerger...
Après la grande dépression qui a suivi le décès de mon épouse, j'avais été voir une psy, parce que je n'arrivai plus à vivre...elle avait réussi à me convaincre qu'il fallait que je surveille mes pensées, que j'évite de baisser la garde et surtout que je bannisse les pensées inutiles, c'est à dire lorsque quelque chose ne va pas, faire au moment tout ce qu'il est possible de faire, mais s'il n'y a rien à faire, il faut accepter, et vivre avec: se ronger les sangs n'amène à rien de bon.
J'ai autrefois eu la malchance de tomber sur la femme qui allait devenir mon épouse pendant 25 ans, et qui, entre autre, faisait valser l'argent avec insouciance. Je n'ai toutefois jamais trop compris où passait l'argent, car nous n'avons jamais vécu dans l'opulence. Je crois bien qu'elle en donnait pas mal à droite et à gauche, pour obtenir une certaine reconnaissance.
Ce n'est pas que j'étais un super économe, mais enfin, j'aimais bien garder un matelas de sécurité: j'avais été élevé ainsi.
Quand j'ai rencontré ma future épouse, même si je n'avais pas l'impression de me priver de quoi que ce soit : j'allais au restau une fois par semaine au moins, j'allais au ski régulièrement, je partais en vacances avec des organismes, je m'achetais tout sans aucun crédit, bref, non, je ne me privais pas, et pourtant, j'arrivais régulièrement à faire des économies.
Du jour où je me suis marié (sous le signe de la communauté), ça a été terminé: non seulement je n'arrivais plus à économiser, en plus mes anciennes économies ont petit à petit fondu comme neige au soleil, mais je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite.
Quand j'ai acheté ma boîte, j'ai dû emprunter à ma famille, quand j'ai acheté ma maison, pareil, et ça a continué. Non content de cela, je me suis rendu compte que ma femme manœuvrait aussi pour obtenir de l'argent de mes tantes...
Cela m'a pas mal perturbé: privé de mon "matelas de sécurité", mon inquiétude naturelle est revenue au galop, je n'ai plus jamais été tranquille et tout ceci a contribué à ma "ruine morale". Le terme est un peu fort, me direz-vous ? Voire...
Heureusement, mon père m'a laissé quelques sous que j'ai pu préserver du désastre: ma femme n'avait pas la main mise dessus et ils me servent aujourd'hui à vivre, oui, heureusement...
Au fil des années, non contente de m'isoler petit à petit de toutes mes connaissances, et de me faire renoncer à mes passions, comme la rando montagne, ma femme a donc complètement vidé les comptes, que ce soit perso...
ou pro, ce qui est plus grave: elle n'avait pas la signature, heureusement, mais j'étais gentil et ne savait rien lui refuser: je me suis laissé convaincre. Malheureusement, le jour où j'aurais eu besoin de cet argent pour réagir et sauver ma boîte, j'ai dû faire sans: j'ai opté pour un crédit, que j'ai eu ensuite beaucoup de mal à rembourser, et puis pour ce que ça m'a servi...
A dire vrai, c'est ce jour-là que je me suis rendu compte que nous n'avions plus rien: j'avais confiance, je ne surveillais pas les comptes. Par faiblesse, j'acceptai de prêter à ma belle famille, parce que je pensais avoir une bonne réserve, une bouée de sauvetage, mais là j'en avais besoin d'un peu, or de l'argent que je pensais trouver, il ne restait rien du tout ! Et elle avait fait tout cela dans mon dos !
Je pense que c'est à cette époque que j'ai commencé à réellement sombrer: crises de tétanie, insomnies, maux de ventre, tremblements, etc, ce qu'on appelait pudiquement spasmophilie, mais qui était un signe avant-coureur de dépression.
Quand je pense que ma belle famille ne m'a jamais rien rendu...que du mépris, allais-je dire.
Je me suis rendu compte plus tard que je ne devais être accepté et considéré que parce j'étais la vache à lait...mais quel abruti, j'ai été ! trop bon, trop con, voilà ce que j'étais.
Le jour où j'ai voulu récupérer auprès d'eux un peu de mon argent, parce que j'en avais besoin pour ma boîte, on m'a envoyé sur les roses: c'est tout juste si on ne m'a pas traité de mec près de ses sous ! "Je peux vivre, oui ?" m'a dit un jour mon beau-frère sur un ton de colère ! Oui, tu as le droit mais moi aussi et c'est quand même mon fric...mais non ça ne le gênait pas ! Impensable !
Autant vous dire qu'à la mort de ma femme, j'ai coupé tous les ponts: non contents de vivre à mes crochets, mes beaux-frères commençaient à dire que leur sœur était morte à cause de moi !!!
Quelle bande d'enfoirés, alors que nombre de fois je les avais appelés au secours parce que leur sœur n'allait pas bien, et ils m'avaient envoyé sur les roses !
J'ai réellement aimé ma femme...enfin, du moins comme m'a dit la psy qui m'a pris en charge après sa mort quand j'ai fait ma dépression, j'aimais l'image que je me faisais d'elle et qui n'était plus elle depuis longtemps: j'étais amoureux de l'amour et non plus d'elle.
Autant vous le dire: ma femme était pervers narcissique, c'est ce que m'a dit la psy: je ne connaissais pas ce terme, auparavant.
Elle me maintenait dans un état de dépendance affective terrible, m'humiliait, me rendait malheureux comme les pierres, et puis de temps en temps, elle me laissait entrevoir ce qu'aurait pu être une belle vie, juste assez pour me laisser espérer qu'elle pouvait changer, qu'il suffisait de peu de choses pour cela, et puis dès que possible elle me replongeait à nouveau la tête sous l'eau.
Je dois dire qu'il m'est arrivé plusieurs fois les dernières années d'avoir envie de me foutre en l'air, ou de disparaître, loin, très loin, recommencer ma vie à zéro, comme ces gens qui disparaissent et dont on n'entend plus jamais parler.Vrai de vrai, parfois, je me disais qu'il me suffirait d'appuyer sur l'accélérateur et de fermer les yeux...je ne l'ai pas fait parce que j'avais peur de me rater: rien que m'imaginer entièrement sous sa coupe, comme ma belle mère (hémiplégique) l'était, me faisait froid dans le dos.
Sans doute aurais-je dû la quitter dès que j'en ai eu l'idée et ne pas attendre vingt-cinq ans de vie commune. La dernière vacherie qu'elle m'a faite a été quand enfin j'ai voulu sortir la tête hors de l'eau en lançant une procédure de divorce: bien décidé à me corriger, puisque ma femme m'avait persuadé  que tout le mal venait de moi, j'étais allé voir une psychologue, qui m'a fait réaliser que je me trompais: le mal ne venait pas de moi ! Toutes ces années, ma femme m'avait maintenu dans un sentiment de culpabilité, qui n'avait pas lieu d'être ! Ce fut à partir de là que j'envisageai de divorcer...
Je parlai de dernière vacherie qu'elle m'avait faite: quand j'ai enfin lancé une procédure de divorce, j'étais prêt à tout lâcher pour lui échapper, recommencer ma vie à zéro ailleurs, loin, le fric n'avait pas d'importance, je m'en fichais à partir du moment où je n'étais plus sous son emprise.
Elle reçut la lettre de l'avocat...et, horreur, se donna la mort quelques jours après...le coup de grâce !
Comme je l'ai expliqué à la psy, j'eus l'impression d'un barrage qui cédait: je n'avais plus de force, tout s'écroulait autour de moi: je pleurai toute la journée, je me roulais par terre en crises d'angoisse en pleine nuit, je me réveillai en sueur alors qu'elle me poursuivait en rêve. Sans la psy et le traitement de cheval qu'elle me donna, je crois bien que je ne serais plus ici pour en parler. Sans mon frère et ma sœur qui me soutinrent pendant des mois, non plus.
Chers frère et sœur: les dernières années, je ne les voyais plus: ma femme ne supportait plus leur présence, et pour cause: lorsqu'ils étaient là, je reprenais du poil de la bête et ça ne faisait pas du tout son affaire..
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Bientôt dix ans qu'elle est partie...
J'ai réussi à remonter la pente, tout doucement, grâce à la psy, grâce à ma famille qui venait régulièrement, je leur dois une fière chandelle. J'ai réappris à vivre.
Cependant, même si je voulais vivre, quelque chose s'était cassé en moi: je n'avais plus l'entrain de la jeunesse. Sentimentalement, j'eus quelques aventures, dont une qui dura plusieurs années, mais le cœur n'y était pas vraiment: une petite voix me disait que ce n'était pas la bonne mais je ne voulais pas l'entendre...jusqu'au jour où je la quittais...
Je réussis alors à obtenir une certaine paix intérieure, même si la solitude me prenait souvent: je repris certains sports, que je continue aujourd'hui, j'organisais ma vie de célibataire, je revoyais régulièrement mes frère et sœur, je me remettais à faire la cuisine, tenir mon intérieur, participer à diverses activités, mais toujours cette solitude sentimentale qui ne m'allait guère...je cherchais l'âme sœur sans vraiment chercher: chat échaudé craignant l'eau froide.
Et puis...
Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille: j'ai apparemment encore quelques épreuves qui m'attendent professionnellement parlant...
Je n'attends pas pour vivre: il n'est pas de meilleur moment pour vivre que maintenant, mais enfin tout de même des fois, on aimerait bien que ça s'arrête, les problèmes...