Je me demande si on ne commence pas à vieillir lorsqu'on en vient à se rendre compte qu'on ne réalisera jamais certains projets... Ce peut être parce que l'on comprend que notre forme physique ne nous le permettrait plus, mais ce peut être aussi parce qu'en plus, on a évolué dans nos envies: ce qui nous paraissait si important autrefois, ne l'est plus guère aujourd'hui et vice versa. Et puis on change: autrefois je n'avais jamais le vertige, et aujourd'hui, cela m'arrive parfois.

Quand j'étais jeune montagnard, j'ai rencontré une fois un "vieux", c'est-à-dire quelqu'un qui avait à peu près l'âge que j'ai aujourd'hui  ( chose que j'avais bien du mal à réaliser: je ne m'imaginais pas du tout à cet âge-là) qui s'était choisi un endroit bien douillet au bord d'un lac, pour un repos bien mérité. Il me proposa un peu d'eau et nous engageâmes la conversation. "moi aussi j'étais parti pour faire le pic, me dit-il, et puis c'est si beau ici, qu'après tout, pourquoi vais-je aller m'embêter à grimper en plein caniar dans les éboulis et me flinguer un peu plus les genoux, pour le regretter ensuite pendant toute la semaine ?“
Sur le coup, j'avais admis mais tout de même, pour moi, aller au sommet, cela représentait un grand plaisir dont je ne voulais pas me priver. Je le quittai donc pour le laisser à sa contemplation émerveillée.
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Aujourd'hui je suis tout à fait dans l'état d'esprit de ce "vieux". Je me rapproche de cette phrase qui dit que l'important, ce n'est pas le but mais le chemin pour y arriver. La sagesse me guetterait-elle ?

Ce qui ne m'a pas empêché, l'été dernier, de faire un périple d'une dizaine d'heures; c'est fou ce qu'on arrive à faire avec un peu de volonté... oui bon d'accord: j'ai quand même mis une semaine à m'en remettre... 

Depuis quelques semaines, je traîne un peu la patte, et je dois malheureusement limiter mes marches, pour éviter que la douleur ne devienne un peu limite... (la douleur est pourtant une vieille copine que je croyais avoir apprivoisé depuis longtemps)
Pourtant ce ne sont pas les projets qui manquent, projets pourtant très accessibles en temps normal. Si j'ai bien compris mon toubib ça n'ira pas en s'arrangeant.
Je regarde souvent mes montagnes, mais j'avoue y trouver moins d'attrait qu'autrefois. Les regarder est toutefois déjà un bon plaisir, d'autant que j'y remarque des choses que je ne voyais pas autrefois.
Je n'ai pas vraiment de regrets. Que dis-je même: je n'en ai pas du tout. Quelques occasions manquées ? Et alors ? Où est le problème ? Il est certains sommets que je ne ferai jamais et ben tant pis. Il était dit que ce sera ainsi.
Et puis si vraiment je n'arrive plus à marcher qu'à cela ne tienne: je trouverai bien autre chose à faire ?  

Je me demande finalement si vieillir, c'est quand on n'arrive plus à s'adapter aux situations...