C'est lundi. La semaine commence, ma chérie a repris le boulot et, et je me retrouve livré à moi même. Je n'ai pas envie de rester chez elle, mais je n'ai pas vraiment envie non plus de me retrouver seul chez moi...je prends ma voiture et je vais d'abord passer celle-ci au jet: elle en a grand besoin, et il me reste des jetons de la dernière fois.
Une fois cela terminé, je passe en ville pour acheter mon pain et je prends la route...pas la plus courte: il me plaît de changer d'itinéraire, parfois, et, en plus, j'ai une petite idée derrière la tête : et si j'allais manger quelque part, faire comme si j'étais en vacances, jouer aux touristes, voir du monde ? Il est vrai que quand on est à la retraite, on est toujours en vacances, mais partir se dépayser, ce n'est pas déplaisant...

La route que j'avais empruntée, menait, si je la poursuivais, à une petite ville fortifiée où, autrefois, dans une autre vie, j'avais eu quelques habitudes. En ce lundi, début de semaine, je savais que c'était là que j'avais le plus de chance de trouver une auberge ouverte, vu que la ville était touristique.
Une fois arrivé sur place, je laissais tomber le bar-restaurant je fréquentais à une époque, et que je savais servir une bonne cuisine familiale un peu trop lourde pour aujourd'hui, pour une me tourner vers une taverne qui n'était pas si récente que cela mais dans laquelle je n'étais encore jamais allé: elle avait, qui plus est, une terrasse ombragée, encore vide à cette heure-ci, qui me tendait les bras.
Ce fut un repas simple: crudités en entrée, poisson purée, flan au caramel et café mais je ne cherchais pas vraiment la gastronomie.
Je terminais mes crudités lorsque les clients commencèrent à affluer. Comme je le subodorais, c'était surtout des gars du bâtiment, vêtus de vêtements de travail poussiéreux et qui se saluaient à grand renfort de poignées de main. Tout le monde se connaît plus ou moins dans ces genres de métier. Il y avait là, des maçons, des électriciens, des plombiers, des menuisiers, des jardiniers et j'en passe, apparemment aussi, quelques employés de bureau, ainsi qu'un couple de cyclotouristes, et deux retraités en vadrouille. Je terminais mon repas au milieu du brouhaha des conversations.
Après, j'eus l'idée de de ne pas rentrer chez moi de suite mais de poursuivre plus loin, vers une autre petite ville fortifiée, au bord de la rivière, célèbre pour son pont du treizième siècle. Je l'avais visité, il y avait longtemps et ma foi je me disais que j'y retournerais bien: il y avait de quoi faire une bonne balade digestive par là-bas...
J'y retrouvais bien le paysage dont je me rappelais. Vu l'heure, la petite ville était déserte: à 13h les gens ne sont pas encore sortis de table. Je me rappelais toutefois, que même en plein milieu de l'après-midi, il n'y avait là guère de monde: ces petites villes avaient sûrement beaucoup d'activité au Moyen-Âge mais de nos jours, elles périclitent. Dommage.
Je garais ma voiture sur un grand parking à moitié désert et je fis un grand tour à pied qui m'amena près du fameux pont, et aussi sur une île au milieu de la rivière. Autrefois, il y avait la un grand troupeau de chèvres, avec un vieux bouc aux cornes immenses qui faisait souvent peur aux enfants. L'île a été abîmée par la dernière crue qui, il est vrai, s'était montrée redoutable cette année, et le troupeau n'y était plus. Je me suis demandé un bref instant si cette absence était en rapport ou non avec cette crue... Le sentier était agréable, à la fois ensoleillé et ombragé, avec quelques panneaux sur lesquels étaient inscrit des poèmes de Musset, Verlaine, Apollinaire et bien d'autres. Je m'assis un instant sur un banc pour goûter le charme du lieu...
Je pris un autre chemin pour rejoindre ma voiture, afin de faire une boucle... je pris aussi quelques photos...
Pendant plus d'une heure, j'avais vraiment vraiment eu l'impression d'être en vacances bien loin de chez moi.

Pour le retour, l'envie me prit de ne pas rentrer par la route principale mais par de petites routes que je n'avais pas empruntées depuis très longtemps, une manière de faire durer le plaisir du dépaysement...
Je traversai toute une série de villages déserts, et pour cause: à cette heure-là, les plus vieux sont à la sieste et les plus jeunes sont au boulot

Dans cette plaine, je voyais toute la chaîne des montagnes et je me fis la réflexion que finalement, il ne devait pas faire si mauvais que ça, là-haut contrairement aux prévisions... dommage: j'avais songé à y aller pour skier, tant qu'il y avait encore un peu de neige, mais hier les prévisions météo m'en avait dissuadé... Allons, ce ne serait que partie remise.
Je roulais lentement sur cette petite route déserte, appréciant le paysage. Je reconnaissais certains endroits, sans chercher à m'appesantir sur mes souvenirs: depuis quelques temps, j'essaie d'éviter de penser à un certain passé qui a tendance à me poursuivre: pas plus tard que ce matin, je me suis encore éveillé d'un cauchemar à son sujet.
Arrivé un carrefour proche de chez moi j'hésitais à poursuivre ou à rentrer directement... je choisis la deuxième option: il faisait beau et je négligeais mon jardin depuis trop longtemps...