L'autre jour en faisons tout de même un peu de rangement chez moi j'ai retrouvé de vieux objets oubliés des gamelles de camping en aluminium comme cela se faisait autrefois. Ces gamelles furent mes madeleines de Proust: elle me rappelèrent des tas de choses, les souvenirs en rappelant d'autres et je remontait le temps, petit à petit.

Ce fut d'abord ce quart en alu avec encore le plastique rouge protecteur de l'anse pour ne pas se brûler, protection qui n'était pas si efficace que cela d'ailleurs. Je me rappelle que mon père en avait un de quart qui devait dater de  sa jeunesse scout car sa protection à lui il n'était pas en plastique mais un genre de lanière en tissu, beaucoup plus efficace.

L'aluminium de mon quart que je n'avais pas entretenu depuis des années, était tout piqueté à l'intérieur d'une substance blanchâtre. Il me revint qu'à cette époque on ne savait encore rien des méfaits de l'aluminium sur la santé... il me revint soudain en mémoire une photo en noir et blanc où l'on voyait ma mère, encore jeune, en train de manger des spaghettis à même la gamelle en aluminium qui avait servi à les faire cuire. quand nous partions en camping, dans les début du moins, elle faisait toute sa cuisine dans ce genre de gamelle. Beaucoup plus tard, j'avais moi aussi acheté une petite batterie de cuisine de ce genre pour le camping; c'était bien pratique, costaud, léger, avec les couverts assortis.

À l'époque, les campings étaient surtout remplis de tentes, et de quelques rares caravanes, et non ps de bungalows ou de camping-cars comme c'est le cas aujourd'hui. Il y avait beaucoup de canadiennes mais aussi quelques tentes plus grandes et plus hautes qui ressemblaient à de petites maisons, bien pratiques pour manger à l'intérieur, sur une table, si jamais il pleuvait. Le soir il n'y avait pas d'animation, ni même le moindre lampadaire: tout déplacement nocturne se faisait à la lampe électrique. Après manger, le soir, nous allions aux sanitaires pour la petite toilette du soir et le brossage de dents puis nous revenions à la tente. Mon père prenait son petit bouquin sur les étoiles et une lampe de poche et il nous décrivait  le ciel constellé d'étoiles, la Grande Ourse, la Petite Ourse, l'étoile polaire, Orion, Cassiopée... Que de mondes inconnus s'ouvraient à nous...

Nous n'allions que très rarement au restaurant, et pour ainsi dire jamais dans les bars: le seul bar dont je me rappelle est celui où nous allâmes prendre un petit déjeuner sur la terrasse, car, ayant été pour une fois logé chez des amis, la belle-mère avait essayé de nous refiler, à nous enfants, ses croûtons de pain sans sel, accompagnés d'un chocolat "au lai"t qui contenait, en fait, plus d'eau que de lait. Quand ma mère c'était aperçue qu'on traitait ainsi ses enfants, son sang n'avait fait qu'un tour, et nous étions partis avec perte et fracas. Le petit-déjeuner à la terrasse du bar était censé nous consoler, et ce fut le cas.