La journée n'avait pas très bien commencé : je m'étais couché tard hier et ce matin j'étais un peu au radar. Qui plus est, j'avais rendez-vous chez le dentiste en fin de matinée , ce qui n'est jamais très agréable, mais j'avais mal depuis maintenant 15 jours que j'avais pris mon rendez-vous.

Sortant assez tard de chez le dentiste, je résolus de profiter du beau temps pour aller manger un steak tartare sur une terrasse bien ensoleillée de ma connaissance. Ce goût pour le steak tartare ne m'est venu qu'assez récemment lorsqu'un boucher chez qui j'étais client a ouvert un restaurant associé à sa boutique: je me suis dit que, chez un boucher, le tartare devait être bon.... Et c'était le cas.
En plus j'aime bien cet endroit, qui m'en rappelle d'autres, ailleurs, dans une autre vie: c'est un pôle d'activité, dans une zone un peu à l'extérieur de la ville; s'y retrouve un peu le même genre de gens que partout ailleurs dans ce genre d'endroit: des employés de bureau, des ouvriers, des représentants de commerce, des techniciens, etc, bref, des actifs. Pendant un instant, j'ai ainsi l'impression de l'être encore.... À l'époque où je travaillais pour une grosse boîte, il m'arrivait ainsi de devoir aller faire des stages ou des réunions de ci, de là, souvent dans des zones comme celle-ci, et je dois dire que cela me plaisait assez. Dans ces zones, un des points communs est que les routes sont bien entretenues, marquage au sol y compris, les pelouses sont nombreuses et toujours bien tondues et les arbres bien taillés. Dommage qu'il n'y soit pas prévu davantage de passages piétons: je serai bien allé faire un tour à pied dans ce coin. Il est vrai que les gens ne sont ici que de passage et ne s'arrêtent que pour manger ou faire une course...et encore n'est-ce ici qu'une petite ville.
J'ai fini de manger et siroté mon café. Il fait bon, je profite du soleil, qui m'incite à la farniente. Que vais-je faire, cet après-midi ? Aller me balader, oui, mais où ?
L'idée me vient d'une balade sur les coteaux, que je faisais, autrefois... je décide d'aller faire quelques courses chez le primeur à côté puis de ramener tout cela chez moi et partir faire la balade. Dont acte.
Je pars de mon village pour aller faire la balade. Pour cela, je traverse la ville voisine et prend une route que je n'ai pas parcourue depuis... environ 10 ans ? Un peu moins, je pense, mais plusieurs années, c'est sûr. Je roule sans excès de vitesse: je profite. Je pense... je passe devant une maison que nous avions visité autrefois, avec feu mon épouse, maison que nous n'avions finalement pas acheté: je trouvais que la maison était trop souvent à l'ombre. Elle est toujours à l'ombre mais elle a bien changé: quand je repense à la ruine qu'elle était...  je tourne au croisement... tiens  ? la maison de l'angle a été repeinte de fraîche date. Je parcours une partie du chemin que je ferai à pied tout à l'heure, je reconnais un croisement qui part vers le haut à droite, puis un autre, et puis j'arrive au parking, devant une petite chapelle, à côté du cimetière. Je me rappelle que je suis venu là... avec mes frère et sœur, me semble-t-il ? Je me gare, je prends mon sac dans mon coffre, avec mon bâton de marche, ferme ma voiture à clé, puis je démarre mon application de randonnée: je trouve cela bien pratique pour savoir combien de temps je marche, sur quelle distance et éventuellement quel dénivelé je parcours.
Je démarre d'un bon pas mais pas trop vite tout de même: je tiens à garder un bon rythme et je sais bien que lorsqu'on part trop vite on risque le coup de barre:  lorsque je fréquentais encore les clubs de randonnée, combien de gens ai-je vu ainsi partir comme des fous, que je rattrapais et doublais aisément, ensuite ? La route monte sec. Je sens une vague douleur dans ma poitrine: j'ai le souffle un peu court. Je songe à m'arrêter un brin ou à ralentir, mais finalement, je garde mon rythme en faisant des pas plus petits, sinon je vais me fatiguer très vite. Je me dis que je n'aurais peut-être pas dû mettre ce t-shirt à manches longues ? J'ai très chaud... heureusement, la route passe par un endroit à l'ombre, et là, il fait bon: en effet, le fond de l'air est quand même un peu frais. J'arrive bientôt en haut de la côte, je n'ai plus la douleur à la poitrine: ma respiration s'est calmée et mon cœur aussi. Je suis à présent la route de crête du coteau. La montagne est loin derrière une barrière de nuages, on ne distingue que ses sommets. C'est curieux: les montagnes paraissent, ainsi, bien plus hautes qu'elle ne le sont réellement. La marche est agréable. Il y a tout du long de jolis prés avec ou sans vaches, et de belles maisons, de temps en temps, un chien jette un aboi d'avertissement. J'arrive à la hauteur d'une petite chapelle: je me rappelle y être allé avec un groupe de mon village, il y a quelques années: nous y avions fait devant, une pause casse-croûte, et j'avais pris de super photos avec le soleil de face qui faisait une étoile près d'une croix du cimetière. Plus loin, j'arrive devant une maison qui appartenait à une relation lointaine, si mes souvenirs sont bons. Nous y avions fêté je ne sais plus quoi, avec une association à laquelle nous appartenions tous deux. Ce gars-là doit être mort à l'heure actuelle: il était déjà bien plus âgé que je ne le suis aujourd'hui, et la fête dont je parle, date d'il y a bien 20 ans... que dis-je 20 ans  ? 30, plutôt. Je continue ma marche... oui, décidément, il y a vraiment de jolies maisons: je ne me rappelais pas de toutes mais maintenant que je les revois... Une première route descend sur la droite: si je le veux, je peux descendre, je vois à peu près où la route atterrit, et ensuite je ne suis pas loin de la voiture... mais non: je me sens bien, je vais faire le grand tour. Je continue ma marche, et passe devant des maisons et des fermes bien paisibles. Je me sens vraiment très bien. La route monte une belle pente; je m'y lance, en faisant des pas plus petits, comme précédemment, et j'avale la côte comme qui rigole: je me retrouve en haut sans y penser. Quels progrès ai-je fait en un an ! Quand je pense qu'après mon embolie, j'avais du mal seulement à mettre un pied devant l'autre... je retrouve des sensations perdues. Cette sortie me fait, décidément, le plus grand bien ! Elle me donne envie d'en faire encore plus. Je pense que je vais me remettre sérieusement à mes randonnées campagne... et pourquoi pas un peu de VTT ? Il faudrait que je fasse remettre en état le vélo, depuis le temps que je le dis... ouais, ce ne serait pas mal: je pourrais amener le vélo sur place et faire un tour sur les chemins: il en est que je n'ai jamais faits car ils sont trop longs à pied. Je pourrais aussi partir à vélo de la maison, mais je ne me sens pas très à l'aise à vélo sur les routes à grande circulation.
J'arrive à un croisement: un chemin descend sur la gauche. Je sors mon smartphone et je consulte la carte IGN de l'application de rando. Je me redis encore une fois que c'est bien pratique. Je vois ainsi que ce chemin, qui n'est pas goudronné, descend dans le fond de cette vallée là-bas, puis remonte sur la crête en face, où il rattrape un sentier GR, et poursuit un cheminement parallèle à celui où je suis actuellement pour le rejoindre un peu plus loin. J'hésite: et si je me lançais sur ce chemin ? Je décide que non: pas cette fois-ci. C'est la première fois depuis longtemps que je suis parti me balader à la campagne un peu plus loin de chez moi, je vais donc me tenir à mon itinéraire premier que je connais déjà. Celui-ci, par contre, je le ferai une autre fois: je ne suis pas sûr du tout de ma forme actuelle. Pour être franc, il y a une autre raison à ma décision: ce nouveau cheminement passe à proximité de fermes, où je risque de rencontrer des chiens, patous, par exemple, et il se trouve que je ne suis pas très copain avec ces animaux-là, même si j'ai fait de grand progrès, ces dernières années. En deux mots comme en cent, je préfère n'être pas tout seul pour m'aventurer dans ce genre d'endroit...et puis même si je le fais, ce ne sera, de toute façon, pas aujourd'hui.
En principe, d'après la carte, un sentier doit partir de l'autre côté, cela m'éviterait de faire un grand détour, seulement il y a un hic: un grand portail, ouvert, certes, mais aussi un grand panneau marqué "propriété privée". Zut ! J'hésite: je tente quand même ? Je m'engage un peu sur un des chemins qui semble être celui décrit par la carte, quoi que les tirets semblent indiquer plutôt un sentier et je vois plus bas un tracteur avec une carriole qui bloque le chemin. Est-ce vraiment privé ou bien  est-ce quelqu'un qui a mis une barrière et a dit ceci est à moi, alors que ce n'est pas le cas ? Je pense à cela car j'ai déjà vu ce genre de chose chez ma compagne:  nous avions l'habitude de passer par un sentier qui longeait une maison, or un jour le propriétaire de la maison a barré ledit sentier... après avoir demandé au maire ce qu'il en était, il s'est avéré que ce monsieur n'avait pas le droit de le faire et le maire envisageait de lui envoyer un petit mot pour qu'il rétablisse le passage...les gens sont gonflés quand même...
Mais bon, aujourd'hui, je préfère éviter les problèmes et les discussions... je ferai donc le grand détour... À quelque chose, malheur est bon : cela me permet de revoir un fort beau paysage que j'avais oublié ! Il est vrai que j'ai parcouru ces crêtes bien souvent, à une époque lointaine. Surtout ne pas laisser le passé me submerger, sinon je vais penser avec regret à un adorable petit bambin qui était comme mon fils... le passé est passé, c'est même un passé dépassé, comme chantait je ne sais plus qui.

Enfin, je trouve la route qui redescend au pied du coteau. J'aurais pu continuer un peu plus loin et passer par le village, cela fait partie, je crois, du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle: ils ont planté tout le long, des arbres fruitiers de variétés anciennes dont les fruits sont destinés aux pèlerins... mais je tourne là: cela suffira pour aujourd'hui. Je m'arrête en bref instant devant une vigne derrière laquelle se profilent les montagnes au loin et j'en profite pour prendre une photo.

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Encore quelques mètres et j'arrive à la route d'en bas. Il était temps, je commence à sentir mes genoux: les descentes ne me valent rien. À présent une longue route m'attend à fond de vallée, sur une route quasiment plate... Elle se fait finalement assez rapidement, avec simplement une pause pour boire un coup, car j'ai pris la précaution d'emmener ma gourde. Je passe devant une maison où une dame repeint sa barrière, et nous nous saluons mutuellement. Je me dis que sa tête ne m'est pas inconnue... Sûrement une ancienne cliente ?  Ça me fait toujours drôle: je compare cela à ma compagne lorsqu'elle rencontre un ancien élève.

J'arrive enfin à ma voiture. J'arrête mon application rando: environ sept kilomètres, une heure et demie de marche, cent cinquante mètres de dénivelé. Mouais, ce n'est pas trop mal. D'un autre côté, la marche sur route goudronnée ne me réussit guère: je commençais à avoir vraiment mal aux genoux... et aux pieds. Je monte dans ma voiture, après avoir rangé mon sac et mon bâton.  Je reviens chez moi par le même chemin. Ce faisant, je repasse devant la maison où la dame repeignait sa barrière, et je vois qu'ils sont à présent tout un groupe à discuter, dont un vieux monsieur que je connais fort bien car, lui, j'en suis sûr, c'est un ancien client très sympathique, que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer, dans une salle d'attente, depuis que j'ai arrêté de travailler. Je quitte ce coin, le sourire aux lèvres: j'ai adoré mon boulot.

Je pensais, en revenant, aller sur la terrasse de mon café préféré pour boire un thé, et finir dignement ce bon après-midi, mais j'avais oublié que c'était aujourd'hui son jour de fermeture hebdomadaire. Zut ! Je n'ai pourtant pas envie de rentrer tout de suite:  je ressens le besoin de voir du monde, avant de me retrouver tout seul chez moi.

Il me revient alors cette histoire de vélo, auquel je pensais tout à l'heure. Je consulte ma montre: j'ai juste le temps de rentrer chez moi, décrocher le vélo de son perchoir, prendre mon porte-vélo pour le fixer sur la voiture et aller emmener l'engin chez le réparateur... depuis le temps que je dois le faire !  Et ensuite, il faudra que je fasse ma soupe pour la semaine: ce sera courge, courgette, oignon, avec du bouillon de poule, bref, un potage léger pour le soir. Ensuite, je bouquinerai un peu ou bien je regarderai la télé, à moins que je n'aille faire un petit tour sur les réseaux sociaux, jouer un peu. Une soirée calme, de toute façon.

Ce fut finalement une bonne journée  bien remplie et très réussie !