Ayant réalisé qu'il me restait 2 jours de liberté et non pas 1, avant l'arrivée de ma famille, puis ayant constaté que le boucher chez qui je comptais acheter ma viande était fermé, j'ai eu envie de m'offrir un petit repas sur une terrasse accueillante. J'ai donc fait un tour en ville : je voulais changer du dernier où j'étais allé. Heureusement, je connais quelques bonnes adresses.

Je me suis donc retrouvé sur une belle terrasse non loin des berges aménagées du gave. Il n'y avait que deux ou trois tables occupées, lorsque je suis arrivé, mais petit à petit, la terrasse s'est remplie et, bientôt, tout fut complet ou presque. Il y avait là un échantillonnage complet d'actifs, et moins actifs, et même une table qui semblait être une réunion de famille. En face de moi, un petit couple de retraités savourait leur déjeuner. Plus loin, une tablée d'employés de bureau, reconnaissable aux tenues vestimentaires des hommes, toutes sur le même modèle, manque cruel d'individualité, ou obligation du service ? Comme j'arrivais à la fin de mon repas, un certain brouhaha commença à s'élever: comme d'habitude chacun parle plus fort pour couvrir le bruit du voisin; alors, bien que j'apprécie parfois la compagnie des humains, cela commençait à faire un peu trop de bruit pour moi. Je me suis donc levé, et suis allé payer mon écot. Le patron m'a reconnu, et même si l'échange fut bref, cela m'a fait plaisir. Il est vrai que je suis un client de longue date, et également son ami sur un réseau social. En plus d'être bon dans son boulot, et sympa, j'ai pu remarquer que nous avions souvent des opinions similaires sur les sujets qui fâchent... je rigole un instant parce que je viens de penser que ma sœur m'affirmerait en riant (quoi que ?)  qu'ayant tenu boutique pendant 30 ans, j'ai acquis une certaine notoriété...pfff, c'est du passé ça...en plus, ladite notoriété, si tant est que j'en avais, ne m'a pas empêché de manquer de clients.

J'ai décidé d'aller prendre un deuxième café sur une terrasse dans mon ancien quartier là où j'ai habité pendant 20 ans et travaillé pendant 30. Je traverse donc la ville, fort calme à cette heure-ci: tout le monde déjeune... quoi que même en dehors de l'heure du déjeuner la ville n'est, malheureusement, plus guère active... je vois avec tristesse plusieurs devantures vides et poussiéreuses, dans une rue qui, il y a à peine 10 ans étaient encore pleine d'activité. Il faut dire qu'il y a des travaux en ville mais cela ne s'explique pas tout. L'arrivée de grandes surfaces en périphérie a achevé le commerce de centre-ville, comme dans bien des endroits. Les maires disent en général que c'est pour répondre à un besoin, mais n'a-t-on pas plutôt créé le besoin ? C'est tout l'art du marketing J'avais baissé les bras depuis longtemps, à ce sujet: il est des choses contre lesquelles on ne peut pas se battre, surtout quand personne ne suit.

Arrivé au bistrot à la terrasse duquel je pensais prendre mon café, je me rends compte que j'ai encore oublié que le mardi est son jour de congé. Zut. Je décide d'aller un peu plus loin rendre visite à un parc où je n'ai pas été depuis très longtemps. Ce faisant, je m'avance sur ce qui était autrefois la route nationale, avant qu'il y ait la voie d'évitement. Ici aussi il y a de vieilles devantures et fermées, mais celles-ci le sont depuis avant mon arrivée il y a trente ans: déjà on pouvait sentir que la ville avait eu son heure de gloire mais était sur le déclin... pourquoi ne l'ai-je pas vu à l'époque et suis-je resté m'enterrer dans ce coin ?  je crois que je n'avais pas vraiment envie de le voir, et puis je ne cherchais pas à faire fortune, mais à pratiquer mon métier honnêtement.

J'arrive enfin au parc. J'aurais pu rentrer par la route principale, un peu plus loin, mais je préfère passer par le petit sentier réservé aux piétons, qui serpente dans la pente. J'entends des voix au loin. J'espère que des clodos n'ont pas accaparé la place, là-haut ? En effet, je me méfie quelques peu de ces gens, ayant autrefois été alpagué par l'un d'entre eux, or ici le coin est plutôt désert... Je décide de m'asseoir ici, face à la colline surmontée de sa vieille église du treizième siècle, et de continuer à écrire. Bientôt des gens arrivent, que je reconnais, du moins une qui travaillait chez un assureur dans le quartier. Je dis travaillait mais elle n'est pas si vieille et ne doit pas être encore à la retraite... nous nous saluons mutuellement, puis quand ils sont passés, je me lève et reprends ma marche. En bas sur l'ex-nationale, les voitures ont recommencé à circuler: la pause déjeuner est finie. Je sens les odeurs de gasoil qui remontent. Oui, il est temps que je m'éloigne.

Les souvenirs affluent soudain: je me rappelle des hivers où ces pentes étaient recouvertes de neige et où parfois j'emmenai, avec une luge, le gamin que nous élevions. C'était alors une après-midi qui résonnait de cris et de joie...le bon temps... Enfin, pour ces moments-là, du moins...

J'ai finalement rejoint le chemin principal: une petite route bordée de platanes majestueux; sur les bas côtés, de nombreuses colchiques fleurissent... c'est la fin de l'été ? Voire ! Il faisait frais ce matin et je regrette à présent le t-shirt à manches longues, un peu épais que j'ai enfilé, parce que je transpire... enfin, je ne sens plus les odeurs d'essence mais celles des arbres, des fleurs et des feuilles. C'est beau... Aïe ! Pourquoi les moustiques gâchent-il toujours les bons moments ?!!

À présent, je domine bien la ville. De loin en loin, un arbre au feuillage roux ou mordoré pose une petite tache de couleur au milieu des maisons... je suis à la hauteur des serres municipales. Juste en dessous de moi, un mur de pierre délimite un petit pré où paissent trois ânes. "Un âne, des nânes", disait le gamin, avec sa logique enfantine !

J'arrive enfin sur le plateau: une allée ombragée me tend les bras. Les arbres qui la bordent sont magnifiques. Ils étaient beaucoup moins grands, me semble-t-il, lorsque je suis venu la dernière fois ?  J'ai remarqué, que bien souvent, c'est grâce aux arbres que l'on mesure le temps qui passe: eux se fortifient et grandissent en vieillissant, nous, c'est le contraire...

Ne serait-ce le bruit des voitures qui montent de la nationale, l'endroit serait idyllique. Je revois le fameux lit végétal qui étonnait tant les gamins...hop, photo ! Je m'assois sur un banc à l'ombre, j'entends le bruit d'un avion qui traverse le ciel au loin et cela me rappelle les chaudes après-midi d'été, où, lorsque nous étions petits, ma mère descendait un store à lamelles de bois léger sur le balcon, pour que nous puissions faire la sieste dehors...douceur et farniente... je me gratte les chevilles: ces sales bêtes m'ont encore piqué ! Je me lève et repart plus loin.

Je suis sorti du parc et me voici à présent sur la route de crête de la colline: je peux voir la plaine de l'autre côté. Sur la droite, la route, apparemment refaite récemment, mène vers la nationale et passe devant ce qui semble être une extension de la maison de retraite pas loin, moderne et très moche. Quelle idée d'avoir construit cela en cage à lapins ? Je pars plutôt sur la gauche sur cette petite route que je sais revenir vers la ville.

Je rencontre un chat, curieux et guère sauvage mais qui ne se laisse tout de même pas approcher de trop près. Je tente de l'intriguer en me cachant un peu, pour le faire approcher, cela réussi en partie, mais je m'impatiente et reprends ma balade. Tant qu'il reste ici sur la crête entre parc et pré, il a la belle vie, et ne risque rien. Je continue à marcher sur cette petite route étroite. Lorsque je suis arrivé  dans la région, elle était encore ouverte à la circulation et se terminait par une pente hyper raide sur laquelle ma voiture a failli rester coincée ! La pente existe toujours mais la route est fermée à la circulation.

Oh ? une chèvre ! Elle est dans un champ très en pente, entouré d'un grillage. Je cueille quelques feuilles de pissenlit et les lui offre... apparemment elle aime bien ça. Ah, mais elle a une copine, un peu plus bas. Je vois ladite copine grimper dans un arbre pour mâchouiller des feuilles du jardin d'à côté. Ben, pourtant un peu plus bas le champ ne manque pas d'herbe ? La première passe le museau sous le grillage pour essayer d'attraper l'herbe sur le bord du chemin. Ma parole, elle n'a pas peur de risquer de se retrouver coincée ?  Je reprends ma route, car les moustiques attaquent à nouveau... Je passe la forte pente qui finit le chemin, tourne à gauche et descends à présent la pente qui me ramène au centre-ville, non sans avoir au préalable pris une photo, car la vue est magnifique.

Je passe à présent devant le lieu de mon ex-boulot. Mais diable que je suis content d'être à la retraite: je n'ai aucun regret d'avoir cessé mon activité.   Je salue de la main un copain qui, de l'autre côté de la route, va dans la même direction que moi. Nous discutons à travers la rue puis il finit par traverser pour me rejoindre et m'accompagne un petit moment en philosophant. Petit moment sympa.

Bientôt, j'arrive non loin du parking où j'ai garé ma voiture. Je n'ai pas très envie de retourner m'enterrer chez moi, mais j'ai quelques courses à faire,  mais finalement, pour tout dire, je sens qu'une petite sieste ne me ferait pas de mal... va pour la sieste: je ferai les courses demain.