Mardi. J'ai passé la semaine dernière et une partie d'hier, en hyperactivité, entre les journées de ski et la recherche de tutoriels sur Google sheets et Google forms.  c'est fabuleux cette suite bureautique:  pour une association les possibilités sont infinies et cela m'a ouvert une fois de plus de nouveaux horizons. Cette recherche de fonctionnalités, de formules et de scripts est passionnante. Comme dit mon frère: cela permet de me maintenir intellectuellement.

Physiquement, par contre, cela pourrait être mieux: j'ai toujours des problèmes de genou,  avec des douleurs, dès que je marche un peu. Curieusement quand je skie, je ne sens plus rien, et donc, je ne m'en suis pas privé depuis le début de la saison. Par contre, la dernière fois,  vu que dans la plus proche station de chez moi il n'y avait plus guère de neige, je suis allé dans le département voisin dans une station où j'allais autrefois et où je sais qu'il y a toujours de la neige. Celle-ci était vraiment lourde, nécessitant de gros efforts pour maintenir les trajectoires, et j'ai pu constater que je me fatiguais très vite... trop vite, à mon goût. A un moment, j'ai même cru que j'allais faire un malaise... je me suis arrêté sur le bord de la piste, j'entendais mon cœur qui battait rapidement à mes tempes, et puis je ne me sentais pas bien du tout... J'avais prévu de faire encore une descente ou deux, mais j'ai écourté et je suis rentré:  je n'ai même pas eu le cœur de prendre un verre à la terrasse en face des pistes, inondée de soleil. Par contre,  une fois descendu au village, je me suis un peu baladé dans le centre, pour tenter de retrouver cette ambiance qui me plaisait tant quand j'étais gamin. Mais tout change... J'ai apprécié tout de même le moment présent.

Ensuite, profitant d'être revenu dans ma région d'origine, comme je l'avais prévu le matin, au lieu de faire deux heures de route pour rentrer chez moi, je suis allé dans ma ville natale,  en une heure à peine, retrouver mon frère et ma sœur. Ce sont tous deux des célibataires endurcis: ni conjoints, ni enfants, bref libres comme l'air. Ils pourraient en profiter davantage mais en vieillissant, ils sont devenus très casaniers. Nous ne nous étions plus revus depuis l'automne. Se furent de sympathique retrouvailles, et j'en ai profité pour aller chercher dans les archives familiales, de vieilles photos de nous. J'en ai pris quelques paquets afin de les scanner chez moi. Mon frère n'est guère porté sur l'informatique, moi si: je la trouve pratique. J'ai déjà scanné ainsi la plupart de mes vieilles diapos de montagne. Vous me direz qu'une soirée diapo, où voir même se faire passer des photos sur papier, c'est bien agréable, et vous aurez raison, mais avoir toutes ces photos sur le même support et pouvoir le consulter à l'envie n'importe quand c'est tout de même bien pratique. D'autant qu'en l'occurrence ces photos de famille, c'est mon frère qui les conserve, puisqu'il habite dans la maison familiale, où elles se trouvaient à l'origine. Je me rappelle  de la dernière fois où j'ai consulté ces photos en compagnie de mon père: regardons les photos de quand nous étions enfants, il me dit que cela lui donnait une impression bizarre, comme si les enfants que nous étions, étaient morts. En effet ces photos, c'était nous autrefois, toute à la fois que ce n'était plus nous aujourd'hui... je comprends tout à fait ce qu'il avait voulu me dire, je le ressens aujourd'hui: par exemple, j'ai du mal à saisir que ce petit garçon, là sur la photo, c'est bien moi, ou que la c'était mon frère; ces êtres sur les photos sont à la fois familiers et étrangers... familier, car je me rappelle de certaines circonstances où elles ont été prises, tout à la fois que je ne me reconnais pas vraiment.  C'est assez difficile à expliquer quand impression.

Je me dis parfois, que s'il n'y avait pas eu toutes ces photos, j'aurais sûrement oublié beaucoup de choses:  j'oublie de plus en plus, je ne suis pas comme mon frère, qui bien que plus âgé que moi possède une mémoire phénoménale ! Il se rappelle de toutes les courses en montagne qu'il a faites, mais aussi de toutes celles que moi j'ai faites, et donc à l'époque je lui avais parlé, ou dont j'avais ramené des photos, et le problème, c'est que moi par contre, je ne m'en rappelle plus... surtout si je n'ai pas de photos ! Et encore: je vous ai dit que j'avais scanné toutes mes vieilles diapos de montagne ? Et bien, sur certaines, j'avais oublié de noter où c'était, oublié de noter, ou bien je pensais que c'était tellement évident qu'il n'était pas besoin de le noter... et bien,  aujourd'hui, impossible de me rappeler où c'était:  ça n'évoque rien pour moi, alors qu'il est sûr que c'est moi qui ai pris la photo. Ainsi, c'est mon frère, qui m'a rappelé que j'avais fait deux fois le Mont Perdu... Pour ma part, je ne m'en rappelle que des bribes, et je crois bien que j'ai fondu les deux fois en une seule...

Ceci me rappelle le président du club de montagne avec lequel j'allais: à l'époque je sortais à peine de l'adolescence et lui, avec 20 ans de plus que moi, était un homme dans la force de l'âge, souriant, sympathique, marcheur infatigable, sa seule et grande passion était la montagne. J'ai appris récemment par hasard, qu'il était mort  il y a quelques années, après une longue maladie... j'ai du mal à concevoir cela: pour moi, il est toujours tel qu'il était à cette époque: bronzé aux dents très blanches, avec son petit bob rouge délavé sur la tête...

Mon père avait raison sur beaucoup de choses, comme, par exemple, le fait qu'on est toujours un gamin dans sa tête, même si le corps vieillit. Tout vieillit, même les villes; je ne reconnais plus ma ville natale: les maisons cassées et reconstruites, des sens de rues qui ont changé, des croisements revues et corrigés, des aménagements hasardeux... ce n'est plus MA ville: ma vie est ailleurs. Je ne cherche pas non plus spécialement à revoir des gens que j'ai connu autrefois: je le faisais à une époque mais j'ai souvent été déçu, et puis voir que le temps atteint aussi les gens, ça donne un coup de vieux et ce n'est pas bon du tout pour le moral: on en a assez avec la sensation bien réelle que notre corps se dégrade petit à petit, sans en plus  le confirmer en voyant le vieillissement des autres, ces autres qui ne sont plus ce qu'ils ont été.